Vladimir Veličković (1935-2019)

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Il fallait tenir Vladimir Veličković pour ce qu’il était : une puissance muséale, et même le plus grand peintre serbe de l’époque  ! Un homme né à Belgrade, en 1935, puis lancé très vite sur les routes du monde. Après une première exposition au musée d’Art moderne de la Ville de Paris dès 1970, il représente, en 1972, son pays d’alors, la Yougoslavie, à la Biennale de Venise. Un peintre prodige, au dessin immédiatement reconnaissable sur n’importe quel continent, que l’on croirait signé au scalpel, vibrant, sanglant, étourdissant.

Cet artiste contemporain a été présenté au Centre Cristel éditeur d’art à Saint-Malo en 2018, lors de l’exposition « Vladimir Veličković. L’œuvre au noir ».

Hommage à Vladimir Veličković (1935-2019)

L’information est tombée au plus chaud de l’été : la mort du peintre Vladimir Veličković. Une mort brutale à Split, le 29 août 2019, alors qu’il préparait de nouvelles toiles, des dessins, différentes expositions, des livres et la formidable rétrospective qui lui est aujourd’hui dédiée à Landerneau par le Fonds Hélène & Édouard Leclerc pour la Culture. Autant dire que cette disparition prit chacun de court. Lui si occupé, si créatif, si attentif, si décidé, si admiré, si aimé… Car c’est une évidence que les nombreux hommages aussitôt rendus ont puissamment soulignée : l’enthousiasme universel que suscitait cet artiste serbe, membre de l’Institut de France (il avait été élu en 2005 au fauteuil de Bernard Buffet), dont l’œuvre incomparable est désormais déployée dans quatre-vingt-dix-huit musées sur la terre. Et s’il n’en fallait conserver qu’un exemple, ce serait l’image du rugueux Francis Bacon courant à Paris, dans les années quatre-vingts, pour découvrir le dernier accrochage de l’un des rares peintres qu’il respectait : notre cher, notre regretté Vladimir Veličković.

Tout a déjà été dit sur l’homme et son art — et ici même, à Saint-Malo, puisque celui que ses amis appelaient « Vlada » nous avait fait l’immense honneur, l’immense bonheur, de venir partager avec nous son travail. Dans la tradition du Centre Cristel Éditeur d’Art, il avait même réalisé spécialement ce qui resterait comme son ultime portfolio : « Vladimir Veličković. L’Œuvre au noir », comprenez deux estampes consacrées à Saint-Malo afin de témoigner encore et toujours, des désastres de la guerre. Bref, la vieille histoire du monde depuis Caïn, et donc l’inhumanité foncière des hommes dont il pouvait hélas parler savamment. N’avait-il pas vu, à six ans, les hordes nazies écraser Belgrade sous les bombes ? Puis des femmes pendues, écartelées, suppliciées ? Des chiens, des rats, des corbeaux faire festin de pauvres chairs dépecées ? Et n’avait-il pas vu, à l’automne de sa vie, lui, le Serbe, époux heureux de Maristella, une Croate, n’avait-il pas vu ses propres frères, des Yougoslaves, martyriser jusqu’au crime l’espérance d’une nation œcuménique ? Douleurs répétées, horreurs infinies que Vladimir Veličković s’était juré, en peintre combattant, de jeter continuellement sur la toile pour qu’elles ne fussent jamais oubliées. Telle était le sens de son œuvre : une démonstration, non point par l’absurde, mais par la force, par le trait, par les ombres, par le sang, des gouffres que la barbarie rouvre sans cesse.

Pour son exposition malouine, Vladimir Veličković avait signé plusieurs tableautins et réuni quelques-uns de ses dessins. À l’heure d’inaugurer un insolite rendez-vous intitulé « Horizon. Petits formats », nous avons souhaité les présenter à nouveau au public avec cette double intention : dire quel artiste exceptionnel, quel artiste indispensable, il était. Et dire combien il nous manque, combien nous l’aimions.

Christophe et Élodie Penot