Qu’on l’écrive à l’intention des puristes : « Signac et son temps », titre choisi pour annoncer cette vingt-deuxième exposition organisée à Saint-Malo par le Centre Cristel Éditeur d’Art, est un titre qu’ils peuvent prendre au pied de la lettre ! Le temps de Paul Signac, né en 1863, décédé en 1935, n’est-il pas aussi celui d’Émile Bernard, pour sa part né en 1868 et mort en 1941 ? N’est-il pas celui d’Alfred Lesbros, très estimable peintre provençal, qui a vu le jour en 1873, ou celui d’Émile Othon Friesz, surnommé « le fauve baroque », venu au monde en 1879 ? On ne sera pas sans souligner non plus, puisqu’ils sont tous ensemble présentés sur nos murs, que Lucien Jonas, jadis Second Prix de Rome, que Pablo Picasso, André Derain, Henri Pontoy, Amédée de La Patellière, André Dignimont, Édouard Goerg, ou encore André Maire, ont en commun d’être venus au monde avant 1900. Quant aux Dalí, Tondu, Saint-Saëns, Jérôme, Decaris, ils naquirent juste après — ils naquirent suffisamment tôt pour pénétrer ce qui fut le siècle de l’incontournable Paul Signac… Parce que c’est bien lui, le grand maître, fondateur avec Georges Seurat du pointillisme, qui domine ce nouvel accrochage. Ou, pour mieux le dire, ce sont deux de ses œuvres… Deux aquarelles, deux merveilles jamais montrées à ce jour, l’une consacrée au port de Saint-Malo, l’autre au port de Saint-Servan. La première est datée : octobre 1931. La seconde ne l’est pas. À quelle époque fut-elle créée ? Le mystère reste entier.
Arrêtons le temps. Remontons-le. Retrouvons-le comme nous le proposait Marcel Proust, tel un « branle donné à la mémoire »… Alors Paul Signac nous revient, élégamment vêtu, le sourire large, tenant son chevalet à la main. À la vérité, cet irréductible navigateur descend directement de son voilier, de la même manière qu’il descendrait d’une voiture ou du train. Dans son bagage bringuebalent un carton, des feuilles, un crayon, des pinceaux fins, quelques tubes de couleurs, une courte palette, un chiffon, un peu d’eau. Et le voilà qui s'in-