Exposition Paul Signac Saint-Malo

Exposition Signac et son temps. Œuvres sur papier

Du 28 septembre au 30 novembre 2019

Bonheur de l’aquarelle, bonheur de la gouache… Afin d’entourer deux aquarelles inédites de Paul Signac, le Centre Cristel Éditeur d’Art a rassemblé trente autres œuvres sur papier. D’abord le génie de Corot, que Signac lui-même a tant admiré. Puis celui de Picasso et Dalí, qui traversèrent son temps. Sans oublier Émile Bernard, André Derain, Émile Othon Friesz, André Dignimont, ainsi qu’André Tondu, Georges Cheyssial, Albert Decaris, Pierre Jérôme, tous lauréats du Prix de Rome.

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Signac, le temps retrouvé

Qu’on l’écrive à l’intention des puristes : « Signac et son temps », titre choisi pour annoncer cette vingt-deuxième exposition organisée à Saint-Malo par le Centre Cristel Éditeur d’Art, est un titre qu’ils peuvent prendre au pied de la lettre ! Le temps de Paul Signac, né en 1863, décédé en 1935, n’est-il pas aussi celui d’Émile Bernard, pour sa part né en 1868 et mort en 1941 ? N’est-il pas celui d’Alfred Lesbros, très estimable peintre provençal, qui a vu le jour en 1873, ou celui d’Émile Othon Friesz, surnommé « le fauve baroque », venu au monde en 1879 ? On ne sera pas sans souligner non plus, puisqu’ils sont tous ensemble présentés sur nos murs, que Lucien Jonas, jadis Second Prix de Rome, que Pablo Picasso, André Derain, Henri Pontoy, Amédée de La Patellière, André Dignimont, Édouard Goerg, ou encore André Maire, ont en commun d’être venus au monde avant 1900. Quant aux Dalí, Tondu, Saint-Saëns, Jérôme, Decaris, ils naquirent juste après — ils naquirent suffisamment tôt pour pénétrer ce qui fut le siècle de l’incontournable Paul Signac… Parce que c’est bien lui, le grand maître, fondateur avec Georges Seurat du pointillisme, qui domine ce nouvel accrochage. Ou, pour mieux le dire, ce sont deux de ses œuvres… Deux aquarelles, deux merveilles jamais montrées à ce jour, l’une consacrée au port de Saint-Malo, l’autre au port de Saint-Servan. La première est datée : octobre 1931. La seconde ne l’est pas. À quelle époque fut-elle créée ? Le mystère reste entier.

Arrêtons le temps. Remontons-le. Retrouvons-le comme nous le proposait Marcel Proust, tel un « branle donné à la mémoire »… Alors Paul Signac nous revient, élégamment vêtu, le sourire large, tenant son chevalet à la main. À la vérité, cet irréductible navigateur descend directement de son voilier, de la même manière qu’il descendrait d’une voiture ou du train. Dans son bagage bringuebalent un carton, des feuilles, un crayon, des pinceaux fins, quelques tubes de couleurs, une courte palette, un chiffon, un peu d’eau. Et le voilà qui s’installe quai Duguay-Trouin, examinant d’abord, puis dessinant à coup de gestes vifs, joyeux, légers, subtils, dans l’esprit de la peinture de Corot, l’un de ses maîtres. Bref, l’illustre inventeur du pointillisme s’en donne à cœur joie. Des mâts, des haubans, des morceaux de voiles, des proues, sinon des cheminées. En quelle année était-ce ? Peut-être en 1920. Ou en décembre 1921… Ou en octobre 1925 pour le retour des terre-neuvas… Ou en été 1927… Ou en mars 1928, moment de ce qu’il appelait « la partance vers Terre-Neuve »… Ou en octobre 1929, en 1930, en 1931… À huit reprises, au moins, Paul Signac a peint et repeint Saint-Malo ! Une sorte de culte totalement méconnu, mais que l’on découvre en pointant méthodiquement sa correspondance. « C’était son port préféré avec celui de La Rochelle », confirme Charlotte Hellman, son arrière-petite-fille et sa biographe. Et de s’attarder, elle aussi, devant ces deux aquarelles. Deux merveilles, on le répète, lesquelles quittent donc la collection privée où elles étaient pieusement conservées afin de prendre toute leur place dans l’histoire de l’art. Et dans l’histoire malouine qui enrichit ainsi sa fière iconographie…
Formidables aquarelles… Et formidable Signac nous invitant, dans la tradition des accrochages collectifs, à honorer ceux qui travaillèrent avec lui, ou près de lui, ou comme lui, ou avant lui. On a cité Émile Bernard ; on a cité Émile Othon Friesz, André Maire, Albert Decaris, André Dignimont ; on saluera également Camille Corot, dont Edgar Degas affirmait : « Il est toujours le plus grand, il a tout anticipé. » Ce à quoi l’intéressé répondait, avec sa modestie proverbiale : « Je ne suis qu’un bonhomme qui adore son métier… Il faut aimer ce que l’on a choisi sur cette terre. »
Heureux hommes. Heureux temps !

Christophe Penot
Éditeur d’art