Exposition Frédéric Brandon. Rêves & Couleurs

Du 27 avril au 20 juillet 2024

Pour mieux parler de lui, il faudrait pouvoir inventer un verbe : ­brandoner. Verbe transitif, évidemment, qui signifierait une certaine manière de regarder la vie et de la peindre. Verbe intransitif également, pour insister sur cette façon de laisser couler puis arrêter les heures, ainsi que ferait un vieux barde le soir tombé, quand, assis sur un rocher, il égrène une à une les mille offrandes du paysage. Car sous son bonnet de fine laine, derrière sa barbe devenue blanche, Frédéric Brandon ressemble bien à cela : un barde. C’est-à-dire un raconteur d’histoires, ou une sorte d’artiste buissonnier qui utiliserait, non pas des mots, mais des signes, des lignes, des couleurs et des formes. Un grand poète de son temps, Christian Bobin, ne faisait pas autrement : de souples agrégats de lettres, de points et de virgules pour donner corps à des textes vifs et tremblants comme les ailes des papillons ! 

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L’exposition en photographies

Frédéric Brandon
Rêves & Couleurs

Pour mieux parler de lui, il faudrait pouvoir inventer un verbe : ­brandoner. Verbe transitif, évidemment, qui signifierait une certaine manière de regarder la vie et de la peindre. Verbe intransitif également, pour insister sur cette façon de laisser couler puis arrêter les heures, ainsi que ferait un vieux barde le soir tombé, quand, assis sur un rocher, il égrène une à une les mille offrandes du paysage. Car sous son bonnet de fine laine, derrière sa barbe devenue blanche, Frédéric Brandon ressemble bien à cela : un barde. C’est-à-dire un raconteur d’histoires, ou une sorte d’artiste buissonnier qui utiliserait, non pas des mots, mais des signes, des lignes, des couleurs et des formes. Un grand poète de son temps, Christian Bobin, ne faisait pas autrement : de souples agrégats de lettres, de points et de virgules pour donner corps à des textes vifs et tremblants comme les ailes des papillons ! Encore une fois, Frédéric Brandon, né à Paris en 1943, appartient au même monde : des toiles légères, arrachant des oh ! et des ah ! et transformant chaque observateur en animal curieux, souriant, allègre, réconforté, réconfortant. Magie, sans aucun doute ! Et la preuve que ce barde est un peintre formidable. 

Parce qu’il est barde et barde modeste, fatalement, il secoue la tête ! Tout juste veut-il admettre que, depuis l’âge de vingt ans, il n’a jamais cessé de peindre ni de vivre de son art. « Une chance », commente-t-il, en évoquant les nombreux accrochages auxquels il a été convié, dans les principales villes françaises et, en outre, dans des galeries étrangères, aux États-Unis, en Argentine, au Brésil, en Espagne, en Italie, en Allemagne.

Sans oublier, ont souligné ses différents ­biographes, une première rétrospective de son œuvre organisée en 1985 par le musée des beaux-arts d’Achkhabad, dans ce qui était alors le Turkménistan ­soviétique ! En 2024, sur les murs du Centre Cristel Éditeur d’Art de Saint-Malo où d’essentiels contemporains, ses amis, d’Erró à Vlada Veličković, d’Antonio Seguí à Valerio Adami, sont venus exposer avant lui, en 2024, il fête ce qu’il appelle sobrement « soixante années de peintures ». Peintures avec un s, dans le but d’indiquer que ses tableaux, rangés tels les livres d’une bibliothèque, épousent son imaginaire, assez proche de celui de Marcel Aymé. Chacun connaît le succès de La Jument verte ; Frédéric Brandon, lui, de toile en toile, et de rêve en rêve, aura multiplié des vaches vertes, roses, bleues, brunes, blondes, jaunes, rouges. De même, en fils prodigue de Bonnard et Vuillard, il a campé des chiens, des poissons, des plages, des nus, des demi-nus, des arbres, des maisons, des chaises, des pommes et des asperges de toutes les couleurs. Selon la formule admirative de Sophie Chauveau : « Rien que du périssable pour tracer comme en passant, d’un revers de pinceau, l’histoire de l’humanité et, en filigrane, celle de la peinture. »

On se reprocherait de ne pas le répéter : depuis soixante ans, Frédéric Brandon est un peintre, un très formidable peintre ! Face à cette évidence, certainement est-ce l’historien de l’art Jean-Luc Chalumeau qui a trouvé le meilleur raccourci : « Et pour moi, il compte beaucoup. »

Christophe Penot
Éditeur d’art