Exposition Si belle est la Terre

Du 27 janvier au 6 avril 2024 (prolongée jusqu’au 20 avril)

Mais pourquoi songeons-nous, tout à coup, à Maurice de Vlaminck ? Sans doute parce que cet immense artiste, tenu avec André Derain pour le fondateur du fauvisme, est de ceux qui ont le mieux chanté les beautés de la terre. Entendons-nous : sont visées ici, non pas des somptuosités exceptionnelles comme en montrent les grands parcs américains, les déserts de l’Afrique ou les jungles de l’Asie. Non, par cette simple formule, nous voulons parler de beautés sobres, rustiques, spontanées, proches, réelles, plus ou moins remarquées, plus ou moins senties…

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L’exposition en photographies

Si belle est la Terre…

Mais pourquoi songeons-nous, tout à coup, à Maurice de Vlaminck ? Sans doute parce que cet immense artiste, tenu avec André Derain pour le fondateur du fauvisme, est de ceux qui ont le mieux chanté les beautés de la terre. Entendons-nous : sont visées ici, non pas des somptuosités exceptionnelles comme en montrent les grands parcs américains, les déserts de l’Afrique ou les jungles de l’Asie. Non, par cette simple formule, nous voulons parler de beautés sobres, rustiques, spontanées, proches, réelles, plus ou moins remarquées, plus ou moins senties… Sur ce sujet, Vlaminck, sorte de gentleman farmer enraciné dans la campagne d’Eure-et-Loir, livre un témoignage saisissant. « Je lègue aux jeunes peintres toutes les fleurs des champs, les bords des ruisseaux, les nuages blancs et noirs qui passent au-dessus des plaines, les rivières, les bois et les grands arbres, les coteaux, la route, les petits villages que l’hiver couvre de neige, toutes les prairies avec leur magnifique floraison et aussi les oiseaux et les papillons… ces biens-là, ces inestimables biens que chaque saison voit renaître, fleurir, palpiter, ces biens-là que sont l’ombre et la lumière, la couleur du ciel et de l’eau, ne faut-il pas nous rappeler parfois qu’ils sont notre inestimable patrimoine, instigateurs de chefs-d’œuvre ? »

Certes, un inestimable patrimoine, un inestimable testament… Est-ce à dire que le reclus de La Tourillière, qui écrivait avec autant d’énergie qu’il peignait, soutenait des positions écologiques avant l’heure ? Cette idée l’aurait fait bondir. À la vérité, il se méfiait beaucoup des hommes et des philosophies. Il ne croyait qu’au bon sens. Il n’admirait que cette glèbe sur laquelle il aimait à marcher, et qu’il émottait à coups de bottes, au temps des semis. Aussi accueillerons-nous sans manière les fleurs, les champs, les nuages, les plaines, les rivières et les grands arbres qu’il nous offre, dans la tradition des peintres de plein air.  Sous le titre « Si belle est la Terre », et sous la signature accomplie d’une confrérie de maîtres, champs et rivières forgent le cœur même de cette trente-sixième exposition organisée au Centre Cristel Éditeur d’Art.

Précisément, quels maîtres et seconds maîtres accrochons-nous sur nos murs ? Une pléiade, dont six lauréats du Prix de Rome, récompense jadis sacrée, célébrée comme l’équivalent du prix Nobel en peinture. Parmi eux, signalons un authentique héritier de Vlaminck : Pierre Jérôme, primé en 1934, qui partage avec son aîné une touche sombre et sauvage, pareille aux éclairs dans un ciel d’orage. Ses deux tableaux mis en évidence le confirment : peu de choses suffisent pour signer un chef-d’œuvre ! Dans les faits, un premier plan, un deuxième plan, une ligne de fuite, un horizon. Un bout de colline, le tronc d’un arbre, un toit moussu, un nuage buissonnier. Et puis, par-dessus tout, la main d’un artiste, Jérôme, bien sûr, mais également André Tondu, Albert Decaris, Georges Arnulf, André Bizette-Lindet, Constantin Font, Paule Gobillard, Andrée Bordeaux Le Pecq, Guily Joffrin, André Planson, André Favory, Jacques Blot, Eugène Corneau, Gabriel Dauchot ou encore Jacques Berland, autre peintre paysan ­longtemps épris des labours. Qu’existe-t-il de commun entre ces hommes et ces femmes, hormis qu’ils furent des artistes libres, attachés à défendre leur propre style ? Des joies qui, justement, nous rassemblent… Le goût pour la peinture de paysages, jamais passée de mode. L’envie de courir les chemins, puis l’envie de s’arrêter subitement, de muser, respirer, regarder, de contempler longuement la campagne, ainsi que l’on contemple le visage d’un être adoré. Est-il besoin de l’écrire ? La terre vit ! Quelquefois elle souffre, quelquefois elle rit.

Les peintres nous l’enseignent : il faut l’aimer

Christophe Penot
Éditeur d’art