Tennis. 2e Prix Denis-Lalanne. Version 1
de Erró
« Jeu, set et match ! » Formule fameuse et formule parfaitement estivale, qui ne manquera pas d’être criée tout au long de l’été, sur les mille courts de tennis dispersés en France, à ciel ouvert : l’aimable tribut d’une nation organisant depuis 1891 le tournoi de Roland-Garros. « Jeu, set et match ! », semble nous dire effectivement Mickey, personnage iconique de l’univers de Walt Disney redistribué dans un monde audacieux auquel on s’étonne qu’il prenne part… De quel monde s’agit-il ? D’abord, celui des mangas, créés au pays du Soleil-Levant. Et celui des comics américains, rendu célèbre à partir de 1938 avec l’avènement d’une autre icône, Superman. Bref, un étrange et fascinant mélange dont on se demande, à bien l’observer, s’il tire sa force du revers de Mickey ou de l’apparition d’une égérie en maillot de bain… Égérie puissante, égérie sensuelle, vague parente de celles que peignait jadis Leonor Fini… En tout cas, une femme, belle, forte, capable d’assumer à elle seule les fantasmes de l’été. N’en doutons pas : c’est elle, et non Mickey, qui mène le jeu !
À moins, évidemment, que le juge-arbitre de cette scène ne soit l’auteur lui-même, dont chacun a pu deviner le nom… Comment ne pas voir, en effet, dans cette fiction au propos surréaliste, la main du peintre islandais Erró ? Un Erró qui fêtera son 93e anniversaire en ce mois de juillet (le 19 exactement), et qui continue quotidiennement de pousser la porte de son atelier afin de poursuivre le grand œuvre qu’il s’est assigné : « remettre en question le Monde ; son absurdité, sa sauvagerie, sa réalité même », expliquait-il en 1960. Depuis, des milliers et des milliers de collages sont venus, Erró ayant remplacé les dessins préparatoires de sa jeunesse par la technique percutante du collage, ceux-ci toujours inattendus, toujours surprenants, toujours ingénieux, toujours perspicaces. « Il a renouvelé l’esprit du collage. C’est le grand collagiste de la fin du xxe siècle », devait applaudir un autre prestidigitateur, l’affichiste Jacques Villeglé.
Le présent collage, commandé à l’artiste en 2014, a été spécialement réalisé pour le Prix Denis-Lalanne récompensant, chaque année, le meilleur article de presse écrit en langue française pendant le tournoi de tennis de Roland-Garros. Il a servi de maquette pour un tirage lithographique que le maître regarderait longuement, avant de conclure : « C’est bon ! Ça marche ! » Il voulait dire : une œuvre enthousiaste, digne de lui. Cher et formidable Erró… Joyeux anniversaire !
Christophe Penot