Le tableau du mois
Chaque mois, le Centre Cristel Éditeur d’Art sélectionne, présente et expose un dessin ou une toile dans ses locaux de Saint-Malo. Choix du cœur et choix de la raison avec une œuvre toujours liée à l’histoire de l’art.
Bouquet au sept glaïeuls de Pierre Jérôme

BOUQUET AUX SEPT GLAÏEULS
de Pierre Jérôme
Nous n’avons plus à dire, ici, l’estime que nous portons aux travaux de Pierre Jérôme. Et, même, nous n’avons plus à dire l’homme qu’il a été, une biographie parue en 2016, Pierre Jérôme. Vie et passions d’un maître retrouvé, ayant quasiment tout retracé… Contentons-nous en conséquence des grandes lignes : sa naissance à Dunkerque, en 1905 — il aurait eu 120 ans le 20 janvier 2025. Son adolescence à Paris où il se révéla très vite soutien de famille, son père rencontrant d’importantes difficultés financières. Son entrée à l’école des beaux-arts de Paris, sorte de Graal pour les artistes de son époque. Puis, trois années durant, sa candidature au Prix de Rome, conclue par l’exceptionnel résultat suivant : 2e second Prix de Rome en 1932, second Prix de Rome en 1933, Prix de Rome en 1934. En clair, l’apothéose. Celle d’un créateur reconnu, à vingt-neuf ans, comme l’un des meilleurs peintres de son temps.
Mais, quel peintre ? Selon le dictionnaire Bénézit, il était l’homme des « nus, figures, portraits ». Certes. À la condition d’ajouter qu’il fut aussi un excellent paysagiste, et qu’il s’évertua, dans la deuxième partie de sa carrière (il est décédé en 1982), à honorer ce qui deviendrait son thème de prédilection : les bouquets. Précisément, des bouquets de fleurs coupées jetées dans un vase plein ou transparent, à regarder pour ce qu’ils sont : de sacrés morceaux de peinture ! Des œuvres immédiatement identifiables, même si les historiens de l’art ont noté des accents qui n’étaient pas sans rappeler les bouquets de fleurs immortalisés par Maurice de Vlaminck. De fait, chez l’un et chez l’autre, chacun peut remarquer ce goût indiscutable pour les ciels d’orage. Ce goût pour les jeux entre l’ombre et la lumière, pour l’immobilité et le mouvement. D’où l’idée que les deux artistes ont aimé mettre en scène, littéralement, leurs fameux bouquets de fleurs… D’ailleurs, face à ces glaïeuls savamment disposés, ne nous croyons pas davantage au théâtre que dans la boutique d’un fleuriste ? Sauf que Pierre Jérôme, plus encore que Vlaminck, témoigne d’une liberté de gestes, d’une liberté de formes et de tons puisant instinctivement chez Corot. Vous savez, ce Corot dont Pierre Cailler écrivait qu’« il est le peintre qui chante »… Formule superbe, permettant de comprendre quel peintre fut réellement Pierre Jérôme : celui des fleurs qui chantent.
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Christophe Penot