Exposition Alain Lacoste Saint-Malo

Exposition Onirisme Hervé Bédouin et Anne Limbour

Du 1er octobre au 10 décembre 2022

Onirisme… Ou, pour le dire autrement, une nouvelle façon de montrer et de regarder les choses. Une invitation au rêve, formulée par Anne Limbour et Hervé Bédouin, artistes bretons que l’on ne présente plus. La première explore depuis vingt ans la magie des plumes ; le second cisèle le plâtre, le bois et le fer pour créer de fabuleux flamants roses… Deux étonnantes visions du monde, mais un seul et même enchantement. Onirique !

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Œuvres de l’exposition Onirisme

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L’exposition en photographies

Cette quatrième dimension qui s’apparente au rêve…

Concernant l’onirisme, les dictionnaires sont d’accord : un appel au rêve. Et même, pour s’en tenir à la définition du Quillet, une « hallucination visuelle qui a les caractères du rêve » ! De son côté, le dictionnaire Larousse pousse plus loin encore l’analyse : « Délire aigu constitué de représentations concrètes, mobiles comme celles du rêve et vécues intensément par le sujet. » Voilà donc où nous en sommes au moment de dévoiler la trente et unième exposition du Centre Cristel Éditeur d’Art à Saint-Malo : une invitation aimable au délire ! Une invitation à l’hallucination visuelle ! Une invitation à vivre intensément ce qui se trouve accroché sur les murs, et à mieux contempler ce qui s’élève sur les socles ! Ce que l’on pourrait fort bien récapituler en un mot : bienvenue… Oui, bienvenue dans l’univers d’Anne Limbour, artiste plasticienne que nous avons déjà eu le bonheur de présenter en 2016, en compagnie d’Hélène Jousse et d’Yvette Alde, sous un titre résumant tout : « Magiciennes »… Bienvenue, également, chez Hervé Bédouin, sculpteur breton qui s’est imposé, en un petit nombre d’années, comme un créateur absolu — un langage sans pareil, littéralement onirique, donnant à observer les plus étonnants flamants roses, les plus singulières aigrettes, qu’ait jamais produits le règne animal. C’est peu dire que l’on demeure bouche bée… Des échassiers aussi vivants que nature, néanmoins façonnés de main d’homme pour raconter, non pas un corps, non pas un bec ou une aile, mais le jeu des formes et des ombres, le jeu des pleins et des vides, de l’air, du vent et de la lumière. En d’autres termes, grâce à un art hors du commun, Hervé Bédouin dépasse le stade anatomique, sinon celui de l’écorché, afin d’atteindre précisément cette quatrième dimension qui s’apparente au rêve. Voyage extraordinaire, nimbé de puissance, de légèreté, de sensibilité — d’interrogations… Autorisons-nous à l’écrire, au sens éminent de ce mot tant prisé par Chateaubriand : c’est sublime.

Permettons-nous maintenant un second rêve : l’illustre Paul Claudel, le critique d’art, l’auteur de L’Œil écoute, subitement revenu sur la terre pour, selon son habitude, puiser le beau à la source même du beau. Que déciderait-il d’abord face aux élans d’Hervé Bédouin ? Que déciderait-il ensuite devant la nouvelle magie d’Anne Limbour ? Parlerait-il, ainsi qu’il le fit jadis à propos des natures mortes de Sergio de Castro, d’« un appel lancé au regard » ? D’« un appel insolite qui s’impose à la manière du silence » ? Parce que, de toute évidence, chez celle qui s’est fait connaître, depuis vingt ans, par sa réutilisation fantastique de la plume, de toute évidence, marquant un véritable tournant dans son œuvre, il existe désormais, en ce lourd automne 2022, une supplication muette, une impérissable prière : la guerre, l’Ukraine… La brutalité et l’horreur… Voici pourquoi, répondant à son propre appel, Anne Limbour a fourbi ses ciseaux et ses plumes : sa façon de prendre les armes ! Des armes douces et soyeuses, dont on soulignera qu’elles sont stricto sensu venues du ciel, à l’instar des échassiers d’Hervé Bédouin. Mais des armes qui ne s’en avèrent pas moins redoutables, comme le vers célèbre de Victor Hugo :

L’œil était dans la tombe, et regardait Caïn.

Eh bien, telle est aujourd’hui la suggestion d’Anne Limbour : regarder sans fard le monde, le temps d’un sage et poignant tête-à-tête… Voir différemment et plus loin — plus loin que l’incomparable velours de l’œil dont s’écoulent des larmes de plumes. Magie, encore une fois… Mais, surtout, l’expression d’une immense espérance : que la terre, un jour, renoue avec la paix. Que les aigrettes, un jour, ressortent du nid. Que les flamants roses s’éploient dans l’aube claire…
Les artistes sont nos prophètes.

Christophe Penot
Éditeur d’art